Des témoignages tant des personnes immigrées que des personnes les accueillant, tous sont citoyens du monde et de là où ils vivent. Des témoignages en écho aux Proposition citoyennes, et qui expriment une humanité collective possible.
« Aujourd’hui, je viens pour témoigner en tant que femme exilée, mais aussi – encore et toujours – pour représenter la voix des habitants de Belgique qui n’ont pas de titre de séjour, souvent parce qu’il n’existe pas de voie d’accès au séjour légal.
Mon parcours est assez “banal”, malheureusement : j’étais commerçante dans mon pays, j’avais une belle boutique, qui fonctionnait bien. Du jour au lendemain, j’ai dû quitter tout ce que j’avais construit pour fuir des persécutions. J’ai demandé l’asile en Belgique, mais, je n’ai pas pu prouver ce que j’avais vécu. J’ai perdu mon titre de séjour, et je suis entrée dans une vie de violences.
Vivre sans existence administrative, c’est vivre l’exploitation au travail, les violences administratives, la suspicion, une santé déclinante et des soins limités. Devoir justifier sans cesse de ses « efforts d’intégration », sans avoir le droit de travailler. Être dépendant de l’arbitraire d’un Secrétariat d’Etat qui érige le retour volontaire comme solution à tout, sans jamais rencontrer aucune personne concernée. Et la menace permanente d’une arrestation, d’une détention, d’une expulsion. D’un retrait de dignité. Pour des raisons administratives. Et pourtant, une solution existe : la régularisation de ces personnes sur base de critères clairs et permanents. Cette mesure enrichirait l’ensemble de la population belge comme la banque Nationale de Belgique de l’OCDE. Selon la BNB, l’immigration sauve l’économie belge. Sur ces 5 dernières années, les contributions économiques des personnes étrangères ont augmenté de 3.5 % le PIB de la Belgique.
Mais sous couvert de procédures, de documents administratifs, de chiffres… ce sont des vies humaines dont on parle. De vos voisins, des camarades de classe de vos enfants, de vos collègues, des futurs belges.
Pourtant, depuis plus de 10 ans, les arguments humanistes ne suffisent vraisemblablement plus pour garantir une protection aux exilés. Alors fondez-vous sur les faits : économique, sociétaux, démographiques. Ils ne manquent pas ! Fondez-vous sur la justice sociale comme sur les intérêts économiques. Ne vous laissez pas décourager par la montée de l’extrême droite en Europe et en Belgique.
2024 est une année électorale : chers représentants des partis, chers citoyens, votre responsabilité est immense ! À vous de vous poser la question : quel accueil souhaitez vous assurer à vos futurs compatriotes ? Des milliers de citoyens ont déjà choisi la solidarité : en ouvrant leurs portes aux exilés, en luttant pour l’accueil de ceux qui ont tout perdu.
Cette journée est particulière, par sa symbolique : ce filet représente la beauté de l’entraide, la force de la solidarité, la mobilisation citoyenne. Ce moment représente notre Wallonie hospitalière, notre Belgique résistante.
Merci. »
Sandrine
Benoît Lejeune, Patron de Lejeune & Fils SPRL, entreprise de poses de panneaux photovoltaïques et de travaux de toiture, située à Gouvy (Belgique).
Prise de parole lors de l’inauguration de l’œuvre solidaire « Tissons des liens, pas des menottes. », 4 avril 2024, Place Saint-Lambert, Liège.
« Pour les personnes qui sont ici, qui étaient sans papier, qui ont travailler pour moi, qui m’ont été a developper mon entreprise. Je leur ai dit : “Je viens aujourd’hui et c’est pour vous.”. Parce que je me bats et je me battrai pour Billy qui est un sans papier maintenant, qui a travaillé pendant quatre ans avec moi, qui réussit toutes les qualifications. Non pas dans son pays, mais ici, en Belgique.
En Belgique, Billy est qualifié. Il est tuteur. Il a des recommandations du Bourgmestre de la Commune de Gouvy. Il a 6 000 signatures de soutien. J’en profite également pour continuer la pétition. Comme cela, on aura peut être 112 000 signatures. Comme cela, le monde politique reconnaîtra certaines choses, comme que le monde économique besoin d’eux, les migrants, chez nous. Cela, c’est sûr !
Dans mon métier, tous les jours, les sans-papiers sont là ! Ils sont heureux. Ils ont le sourire !
Je n’avais plus personne en 2018 ! Maintenant, en 2024, Billy ne peut plus travailler ! Il m’a dit : “Je vais aller où ? Vous croyez que je vais retourner dans mon pays ?”.
Billy qui a vécu 12 ans en Belgique. Il a quitté son pays en 2013. Il a vécu le naufrage. Il est venu en Belgique !
Je sais qu’on va dire à Billy que l’asile politique n’est pas le monde du travail. Mais quand on a donné la chance à des personnes de réussir dans le monde du travail en Belgique – Billy a tout réussi –, on peut quant même l’accueillir en Belgique !
Donc c’est pour cela que je suis ici, à cette inauguration de l’installation solidaire “Tissons des liens, pas des menottes.”, Place Saint-Lambert, à Liège, ce 4 avril 2024. Aujourd’hui ici, pas tellement pour mon entreprise, mais pour leurs dire : “MERCI !”.
J’espère que c’est vrai, il y a les élections… Moi, personnellement, j’ai déjà fait beaucoup pour défendre mes ouvriers.
96% des entreprises sont en pénurie de main d’œuvre dans notre secteur ! C’est la Confédération de la Construction MB qui le dit. Ce sont des sources sûres, pas des sources manipulées !
Donc, je demande une chose. J’ose espérer que les personnes qualifiées dans un métier en pénurie devraient, non pas aller devant un tribunal se justifier pour rester en Belgique, mais qu’elles aient le droit de rester en Belgique ! C’est tout ce qu’ils veulent ! Qu’ils puissent sortir, ouvrir la porte, et pouvoir aller à la boulangerie sans la police ne les attrape et ne les mette dans un centre fermé ! Je l’ai vécu avec une entreprise à côté de chez moi !
C’est pour cela qu’aujourd’hui, je vous fait une proposition de loi.
Cela semble si évident et elle ne sera pas trop longue. Sinon, on va la modifier.
Pour développer des programmes d’insertion sociale et professionnelle pour les migrants, nous proposons que tant le niveau fédéral que le niveau régional modifient leur législation pour permettre à une personne sans papier d’introduire via son employeur une demande de permis unique.
En ce qui concerne l’autorisation de travail, compétence de la région, il faut un nouveau décret, pour enlever la condition du séjour légal préalable, à l’introduction d’une demande de permis unique depuis la Belgique.
(Parce que ce qu’on a demandé à Billy, c’est qu’il retourne dans son pays, et qu’il demande le permis de travail… Je dis mais on n’est pas dans le pays d’absurdie ! Il ne va pas retourner en Afrique pour demander ! Moi, j’en ai besoin tout de suite !)
En ce qui concerne l’autorisation de séjour, compétence fédérale, il faut une loi modifiant la législation actuelle, pour supprimer la condition de séjour légal préalable à l’octroi d’un titre de séjour par l’Office des étrangers, dans le cadre d’une demande de permis unique.
J’ai quelques copies de ma proposition de loi que je peux transmettre directement aux personnes concernées. ».
Benoît Lejeune
« Bonjour,
Je suis migrant, j’habite en Belgique. Je ne suis pas d’ici, je viens de là-bas.
Cela a été très difficile pour moi d’accepter le fait d’être migrant. Je n’avais jamais quitté mon pays aussi longtemps auparavant. Je m’appelle Carlos, peu importe le pays d’où je viens car, désormais, je suis devenu migrant.
Je suis arrivé en Belgique en février 2022. À mon arrivée, ma vie a changé complètement. Sans rien connaître de la langue, de la culture, des traditions, de l’organisation de la Belgique, le choc a été brutal. J’ai dû commencer à me construire une nouvelle vie, très différente à celle dont j’étais habitué avant.
Aujourd’hui, lorsque je me promène dans les rues de Liège ou lorsque que je vais aux cours de français, je me rends compte que je ne suis pas le seul migrant. Il y a beaucoup d’autres personnes dans des situations similaires à la mienne, des personnes de nationalités diverses, avec des histoires différentes, qui passent par ce moment de transition en vue de s’inclure dans la société belge. Cela me rassure et me renforce dans l’idée de savoir que je ne suis pas le seul.
Être migrant nous place en situation de vulnérabilité et d’inégalités sociales. Nos droits en tant que population minoritaire sont souvent bafoués. Dans ce monde où la migration a toujours existé, je me demande si une politique migratoire inclusive avec plus de dignité humaine et de justice sociale est possible ?
Faire partie de la Convention internationale pour la protection des droits des migrants et de leurs familles serait un “signal” que la Belgique donnerait. Ce geste nous permettrait de nous sentir protégés et inclus. Et non pas adopter de lois ou de décrets contre les migrants comme cela se produit dans d’autres pays européens.
Bien souvent, nous avons des difficultés pour communiquer entre nous de par la barrière de la langue. Mais je suis convaincu que notre condition de migrant nous unis, tout comme ce grand “filet de colsons” qui symbolise l’unité. Je pense qu’au-delà de notre condition de migrant qui nous unis, nous sommes également unis par la nécessité de travailler pour une société avec plus de justice sociale.
Je ne demande pas à être accueilli, je ne demande pas à être intégré, je ne demande pas à vivre des avantages sociaux, je demande que nos droits humains en tant que migrants soient respectés.
Nous devrions avoir le droit d’exister légalement grâce à un document de séjour. Nous devrions avoir le droit d’acquérir un emploi aux mêmes conditions qu’un citoyen européen. Nous devrions avoir les mêmes opportunités comme les nationaux. Nous contribuons à la croissance du pays, avec notre force de travail, avec nos connaissances, etc. Ne nous discriminez pas, ne nous ignorez pas car nous existons, nous savons aussi aimer et nous savons aussi pleurer.
Merci de m’avoir écouté. »
Carlos
Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Économie sociale, de l’Égalité des chances, et des Droits des Femmes
Prise de parole lors de l’inauguration de l’œuvre solidaire « Tissons des liens, pas des menottes. », 4 avril 2024, Place Saint-Lambert, Liège
« Mesdames et Messieurs,
C’est un immense honneur de me tenir ici, avec vous, en plein cœur de notre belle ville de Liège.
Dehors, se déploie un symbole fort de solidarité : l’œuvre “Tissons des liens, pas des menottes”, inspirée par Bénédicte Moyersoen et rendue réelle grâce à des centaines de mains, des mains comme les vôtres et les miennes. Des mains qui ont choisi de dire “oui” à l’entraide, et “non” à l’indifférence.
Imaginez : chaque colson de cette œuvre, c’est un choix. Un choix de transformer les chaînes en liens de fraternité, les barrières en ponts. 112 000 colsons, pour 112 000 visages. Des visages qui ont des histoires, des rêves, des peurs… Comme vous, comme moi.
Nous savons tous que la question de l’immigration est complexe et sensible. Mais derrière les chiffres et les débats, il y a des êtres humains. Mon grand-père était l’un d’eux. Un homme qui a quitté l’Italie avec ses rêves dans une valise, cherchant une vie meilleure ici, en Belgique.
C’est grâce à son courage et à son travail que je peux me tenir devant vous aujourd’hui comme Ministre. L’histoire de mon nonno n’est pas unique. C’est l’histoire de milliers de familles en Belgique.
Alors, lorsque j’interpelle le Gouvernement fédéral pour faciliter l’octroi des titres de séjour à ceux qui peinent dans l’ombre, je ne parle pas en tant que ministre seulement.
Je parle en tant que fille et petite-fille d’immigré, en tant que citoyenne, en tant qu’humaine. Les secteurs comme la construction, l’Horeca et l’agriculture, pour ne citer qu’eux, ne pourraient pas tourner sans ces travailleurs. Ce n’est pas juste une question de droits ; c’est une question de reconnaissance de leur valeur.
Mon message ici est clair : la migration ne devrait pas être vue comme un fardeau, mais comme une opportunité pour enrichir notre société.
Nous voulons une politique migratoire humaine, qui respecte les droits de chaque personne et offre de vraies chances d’intégration. Changer notre regard sur la migration, c’est aussi changer notre futur.
Il est temps d’agir avec cœur et courage. La solution n’est pas dans la fermeture, mais dans l’accueil, l’échange, et la compréhension. La solution, c’est de regarder l’autre non pas comme un étranger, mais comme un potentiel ami, partenaire, un membre de notre communauté.
“Tissons des liens, pas des menottes”. Ce n’est pas juste une phrase, c’est un appel à l’action. C’est l’appel à se rappeler que, peu importe où nous sommes nés, sous quel ciel nous avons grandi, nous partageons tous le même monde, les mêmes espoirs d’un avenir meilleur pour nos enfants.
Alors, oui, je continuerai à me battre. Pour un titre de séjour, pour un travail digne, pour le respect de chacun.
Parce que mon histoire est votre histoire. Et notre avenir se construit ensemble, main dans la main.
Merci à chacun d’entre vous d’être ici aujourd’hui. Ensemble, faisons de la Belgique, de la Wallonie, de Liège, un lieu où chaque histoire trouve sa place, où chaque rêve a la chance de devenir réalité. »
Christie Morreale
« Bonjour, je m’appelle Maria, je viens de la ville de Marioupol, en Ukraine.
Aujourd’hui est une date particulière pour moi : le 4 avril 204, soit exactement deux ans depuis mon arrivée en Belgique.
Auparavant, je menais une vie ordinaire, je travaillais comme responsable du personnel, je planifiais des vacances, des fêtes avec ma famille, j’avais de nombreux collègues et amis.
Je savais ce qu’était l’émigration, mais je ne connaissais pas ses couleurs et ses nuances, ses douleurs et ses difficultés. Je n’aurais jamais pu imaginer que je suivrais ce chemin. Apprendre à parler, apprendre de nouvelles règles et lois, apprendre tout à nouveau pour une nouvelle vie.
À Marioupol, pendant les bombardements, nous avons assisté à une guerre sanglante et nous avons également vu comment les gens changent en raison de la peur du danger, de la perte d’espoir et du malheur.
Nous avons pu partir et, grâce à des bénévoles. Nous nous sommes retrouvés en Belgique.
Une semaine auparavant, nous étions dans un autre monde, nous partagions du pain ; la monnaie la plus précieuse était la nourriture, l’eau et la chaleur.
Ici, nous avons été accueillis avec chaleur et attention. À tous les niveaux où nous devions résoudre nos problèmes, nous avons vu une volonté de nous aider et de nous soutenir.
Au fil du temps, les problèmes liés aux documents et à la vie quotidienne ont été résolus.
Mais ce qui est très important pour chaque expatrié, c’est de créer une nouvelle version de lui-même.
Trouve-toi !
On me dit souvent : « Tu es vivante, réjouis-toi ! ».
Mais quand la mémoire d’une personne est effacée, quand tout et tous ceux qui lui sont chers lui sont enlevés, son travail, sa maison avec une cuisine confortable, ses amis, son endroit préféré dans la ville, alors il sera perdu et il n’aura plus rien à faire.
Comment être heureuse quand tu es seule et que tu as perdu toutes les petites choses qui comptent pour toi : les amis, le travail, la maison…
Je souhaite à chaque émigré forcé de se créer une nouvelle vie bien remplie. Le tissage de ces filets nous unit et crée de nouveaux liens pour notre avenir. »
Мария Слабинская