Témoignages de ceux qui ont vécu l’accueil de personnes exilé•es

Be­noît Le­jeune, Pa­tron de Le­jeune & Fils SPRL, en­tre­prise de poses de pan­neaux pho­to­vol­taïques et de tra­vaux de toi­ture, si­tuée à Gou­vy (Bel­gique).

Prise de pa­role lors de l’i­nau­gu­ra­tion de l’œuvre so­li­daire « Tis­sons des liens, pas des me­nottes. », 4 avril 2024, Place Saint-Lam­bert, Liège.

« Pour les per­sonnes qui sont ici, qui étaient sans pa­pier, qui ont tra­vailler pour moi, qui m’ont été a de­ve­lop­per mon en­tre­prise. Je leur ai dit : “Je viens aujourd’hui et c’est pour vous.”. Parce que je me bats et je me bat­trai pour Billy qui est un sans pa­pier main­te­nant, qui a tra­vaillé pen­dant quatre ans avec moi, qui réus­sit toutes les qua­li­fi­ca­tions. Non pas dans son pays, mais ici, en Bel­gique.

En Bel­gique, Billy est qua­li­fié. Il est tu­teur. Il a des re­com­man­da­tions du Bourg­mestre de la Com­mune de Gou­vy. Il a 6 000 si­gna­tures de sou­tien. J’en pro­fite éga­le­ment pour conti­nuer la pé­ti­tion. Comme ce­la, on au­ra peut être 112 000 si­gna­tures. Comme ce­la, le monde po­li­tique re­con­naî­tra cer­taines choses, comme que le monde éco­no­mique be­soin d’eux, les mi­grants, chez nous. Ce­la, c’est sûr !

Dans mon mé­tier, tous les jours, les sans-pa­piers sont là ! Ils sont heu­reux. Ils ont le sou­rire !

Billy Sa­cko sur son lieu de tra­vail.

Je n’avais plus per­sonne en 2018 ! Main­te­nant, en 2024, Billy ne peut plus tra­vailler ! Il m’a dit : “Je vais al­ler où ? Vous croyez que je vais re­tour­ner dans mon pays ?”.

Billy qui a vé­cu 12 ans en Bel­gique. Il a quit­té son pays en 2013. Il a vé­cu le nau­frage. Il est ve­nu en Bel­gique !

Je sais qu’on va dire à Billy que l’asile po­li­tique n’est pas le monde du tra­vail. Mais quand on a don­né la chance à des per­sonnes de réus­sir dans le monde du tra­vail en Bel­gique – Billy a tout réus­si –, on peut quant même l’accueillir en Bel­gique !

Donc c’est pour ce­la que je suis ici, à cette inau­gu­ra­tion de l’ins­tal­la­tion so­li­daire “Tis­sons des liens, pas des me­nottes.”, Place Saint-Lam­bert, à Liège, ce 4 avril 2024. Aujourd’hui ici, pas tel­le­ment pour mon en­tre­prise, mais pour leurs dire : “MERCI !”.

J’espère que c’est vrai, il y a les élec­tions… Moi, per­son­nel­le­ment, j’ai dé­jà fait beau­coup pour dé­fendre mes ou­vriers.

96% des en­tre­prises sont en pé­nu­rie de main d’œuvre dans notre sec­teur ! C’est la Confé­dé­ra­tion de la Construc­tion MB qui le dit. Ce sont des sources sûres, pas des sources ma­ni­pu­lées !

Donc, je de­mande une chose. J’ose es­pé­rer que les per­sonnes qua­li­fiées dans un mé­tier en pé­nu­rie de­vraient, non pas al­ler de­vant un tri­bu­nal se jus­ti­fier pour res­ter en Bel­gique, mais qu’elles aient le droit de res­ter en Bel­gique ! C’est tout ce qu’ils veulent ! Qu’ils puissent sor­tir, ou­vrir la porte, et pou­voir al­ler à la bou­lan­ge­rie sans la po­lice ne les at­trape et ne les mette dans un centre fer­mé ! Je l’ai vé­cu avec une en­tre­prise à cô­té de chez moi !

C’est pour ce­la qu’aujourd’hui, je vous fait une pro­po­si­tion de loi.

Ce­la semble si évident et elle ne se­ra pas trop longue. Si­non, on va la mo­di­fier.

Pour dé­ve­lop­per des pro­grammes d’insertion so­ciale et pro­fes­sion­nelle pour les mi­grants, nous pro­po­sons que tant le ni­veau fé­dé­ral que le ni­veau ré­gio­nal mo­di­fient leur lé­gis­la­tion pour per­mettre à une per­sonne sans pa­pier d’introduire via son em­ployeur une de­mande de per­mis unique.

En ce qui concerne l’autorisation de tra­vail, com­pé­tence de la ré­gion, il faut un nou­veau dé­cret, pour en­le­ver la condi­tion du sé­jour lé­gal préa­lable, à l’introduction d’une de­mande de per­mis unique de­puis la Bel­gique.

(Parce que ce qu’on a de­man­dé à Billy, c’est qu’il re­tourne dans son pays, et qu’il de­mande le per­mis de tra­vail… Je dis mais on n’est pas dans le pays d’ab­sur­die ! Il ne va pas re­tour­ner en Afrique pour de­man­der ! Moi, j’en ai be­soin tout de suite !)

En ce qui concerne l’autorisation de sé­jour, com­pé­tence fé­dé­rale, il faut une loi mo­di­fiant la lé­gis­la­tion ac­tuelle, pour sup­pri­mer la condi­tion de sé­jour lé­gal préa­lable à l’octroi d’un titre de sé­jour par l’Office des étran­gers, dans le cadre d’une de­mande de per­mis unique.

J’ai quelques co­pies de ma pro­po­si­tion de loi que je peux trans­mettre di­rec­te­ment aux per­sonnes concer­nées. ».

Be­noît Le­jeune

De gauche à droite, l’a­vo­cat de Billy Sa­cko, Be­noît Le­jeune, et Billy Sa­cko.

Mi­nistre de l’Emploi, de la For­ma­tion, de la San­té, de l’Action so­ciale, de l’Économie so­ciale, de l’Égalité des chances, et des Droits des Femmes

Prise de pa­role lors de l’i­nau­gu­ra­tion de l’œuvre so­li­daire « Tis­sons des liens, pas des me­nottes. », 4 avril 2024, Place Saint-Lam­bert, Liège

« Mes­dames et Mes­sieurs,

C’est un im­mense hon­neur de me te­nir ici, avec vous, en plein cœur de notre belle ville de Liège.

De­hors, se dé­ploie un sym­bole fort de so­li­da­ri­té : l’œuvre Tis­sons des liens, pas des me­nottes”, ins­pi­rée par Bé­né­dicte Moyer­soen et ren­due réelle grâce à des cen­taines de mains, des mains comme les vôtres et les miennes. Des mains qui ont choi­si de dire “oui” à l’entraide, et “non” à l’indifférence.

Ima­gi­nez : chaque col­son de cette œuvre, c’est un choix. Un choix de trans­for­mer les chaînes en liens de fra­ter­ni­té, les bar­rières en ponts. 112 000 col­sons, pour 112 000 vi­sages. Des vi­sages qui ont des his­toires, des rêves, des peurs… Comme vous, comme moi.

Nous sa­vons tous que la ques­tion de l’immigration est com­plexe et sen­sible. Mais der­rière les chiffres et les dé­bats, il y a des êtres hu­mains. Mon grand-père était l’un d’eux. Un homme qui a quit­té l’Italie avec ses rêves dans une va­lise, cher­chant une vie meilleure ici, en Bel­gique.

C’est grâce à son cou­rage et à son tra­vail que je peux me te­nir de­vant vous aujourd’hui comme Mi­nistre. L’histoire de mon non­no n’est pas unique. C’est l’histoire de mil­liers de fa­milles en Bel­gique.

Alors, lorsque j’interpelle le Gou­ver­ne­ment fé­dé­ral pour fa­ci­li­ter l’octroi des titres de sé­jour à ceux qui peinent dans l’ombre, je ne parle pas en tant que mi­nistre seule­ment.

Je parle en tant que fille et pe­tite-fille d’immigré, en tant que ci­toyenne, en tant qu’humaine. Les sec­teurs comme la construc­tion, l’Horeca et l’agriculture, pour ne ci­ter qu’eux, ne pour­raient pas tour­ner sans ces tra­vailleurs. Ce n’est pas juste une ques­tion de droits ; c’est une ques­tion de re­con­nais­sance de leur va­leur.

Mon mes­sage ici est clair : la mi­gra­tion ne de­vrait pas être vue comme un far­deau, mais comme une op­por­tu­ni­té pour en­ri­chir notre so­cié­té.

Nous vou­lons une po­li­tique mi­gra­toire hu­maine, qui res­pecte les droits de chaque per­sonne et offre de vraies chances d’intégration. Chan­ger notre re­gard sur la mi­gra­tion, c’est aus­si chan­ger notre fu­tur.

Il est temps d’agir avec cœur et cou­rage. La so­lu­tion n’est pas dans la fer­me­ture, mais dans l’accueil, l’échange, et la com­pré­hen­sion. La so­lu­tion, c’est de re­gar­der l’autre non pas comme un étran­ger, mais comme un po­ten­tiel ami, par­te­naire, un membre de notre com­mu­nau­té.

Tis­sons des liens, pas des me­nottes”. Ce n’est pas juste une phrase, c’est un ap­pel à l’action. C’est l’appel à se rap­pe­ler que, peu im­porte où nous sommes nés, sous quel ciel nous avons gran­di, nous par­ta­geons tous le même monde, les mêmes es­poirs d’un ave­nir meilleur pour nos en­fants.

Alors, oui, je conti­nue­rai à me battre. Pour un titre de sé­jour, pour un tra­vail digne, pour le res­pect de cha­cun.

Parce que mon his­toire est votre his­toire. Et notre ave­nir se construit en­semble, main dans la main.

Mer­ci à cha­cun d’entre vous d’être ici aujourd’hui. En­semble, fai­sons de la Bel­gique, de la Wal­lo­nie, de Liège, un lieu où chaque his­toire trouve sa place, où chaque rêve a la chance de de­ve­nir réa­li­té. »

Chris­tie Mor­reale